11,237
Histoire de la douane malagasy
La douane malgache est une Administration bicentenaire, dont la naissance remonte à l’époque de la monarchie royale merina (groupe éthnique issu des « hauteurs » d’origine asiatique assez marqué, résident au centre de l’île) du début du 19ème siècle.
L’abolition de l’esclavage Anglo-merina du 23 octobre 1817 contribue à l’intensification du commerce extérieur sous le règne de Radama I et, par conséquent, à la mise en place de la douane pour alimenter les caisses de l’Etat monarchique. On assiste alors à la création des premières recettes des douanes sur le littoral est, ouest et sud. Des recettes qui auront plusieurs points communs :
- Elles ont été confiées à des parents du roi
- Elles ont été dirigées par des généraux (la douane était alors un service militarisé)
- Elles ont pour principal objectif d’intensifier le commerce extérieur et de faire rentrer les devises.
Les services douaniers à leurs débuts
L’époque de l’institution des services douaniers à Madagascar semble encore bien indéterminée. Il est pourtant certain que du temps de Radama Ier, des droits sont perçus sur les marchandises que Madagascar échange avec Bourbon et Maurice.
Les archives ont, en effet, conservé la trace de la protestation véhémente élevée par les commerçants de cette dernière île, lorsque Radama qui a besoin de ressources nouvelles, veut relever son tarif douanier qui est alors de 5% sur les produits importés.
Quelques années plus tard, un cordon douanier assez dense est observé sur la côte Est, face à la Réunion et Maurice, et dans le Nord-Ouest jusqu’à Mahajanga. Il est plus lâche sur la côte Ouest où seuls quelques postes sont établis, notamment à Morondava (Andakabe), Ampasindava et Toliara. Le tarif augmente alors de 10% sur les marchandises importées, « les droits étant payés soit en espèces soit en nature ».
On peut d’ailleurs lire dans le Journal officiel du 17 mars 1897, un arrêté du général Gallieni répartissant entre les hôpitaux et les indigents les toiles emmagasinées au Palais de la Reine. Elles proviennent des droits de douane payés en nature. Le taux à l’exportation est¸ par contre, plus variable, mais aucun renseignement sur ce point n’est disponible.
Le gouvernement malgache a dû contracter le 5 décembre 1886 un emprunt de 15 millions auprès du Comptoir d’escompte de Paris. Par la Convention du 20 juin 1887, il donne en garantie du remboursement et du paiement des intérêts, le revenu des ports de Toamasina, Mahajanga, Fenoarivo-Atsinanana, Vohémar, Vatomandry et Mananjary. Dès lors, des agents de la Banque contrôlent dans ces ports la perception des droits de douane.
Éclate alors la guerre de 1895 suivie de la conquête. L’organisation douanière n’est pas bouleversée pour autant. Simplement, des agents français se substituent aux fonctionnaires malgaches au fur et à mesure que les troupes qui prennent possession de l’île avancent. Ils continuent à percevoir les droits sur les marchandises importées, suivant le taux de 10% établi par le gouvernement malgache.
Un avis publié par la suite en même temps que la loi d’annexion, stipule cependant que les marchandises françaises, dont l’origine est dûment justifiée, seraient exemptées de ce droit. Il en est de même de celles qui proviennent d’une admission temporaire en France.
Le général Duchesne, commandant du corps expéditionnaire, prend à la date du 31 mai 1895, un arrêté « portant règlement sur le Service des douanes ». Ce texte organise le Service français en laissant subsister, au moins provisoirement, le service malgache. Les deux services coexistent encore après l’annexion, les documents l’attestent.
Un an plus tard, un arrêté du général Gallieni daté du 7 octobre1896, complète en quelque sorte l’avis dont il est question plus haut. Il décide que les produits français, même accompagnés d’un passavant justifiant leur origine, « ne seraient désormais admis en franchise que s’ils sont importés directement par un port où existe un receveur français des douanes ».
Débarqués dans un autre port, donc tenu par un receveur malgache, ils seraient taxés comme les marchandises étrangères. L’arrêté énumère les ports tenus par un receveur français qui sont Diego-Suarez, Sainte-Marie, Vohémar, Tamatave, Vatomandry, Mananjary, Fort-Dauphin, Nosy-Ve, Majunga et Nosy Be. Il est assez difficile d’expliquer les raisons qui amènent le général Gallieni « à faire dépendre la taxation des marchandises de la nationalité du taxateur ». A-t-on constaté ou craint-on des fraudes commises à l’aide de faux passavants et veut-on réserver le contrôle de ces pièces à des agents qui les connaissent bien pour en avoir établis eux-mêmes en France ?
Quelques jours plus tard, plus précisément le 11 novembre 1896, le général Gallieni adresse la circulaire 106 aux Douanes malgaches.
Interdiction absolue d’importer des armes
Cette circulaire apporte quelques précisions sur l’importation de marchandises françaises, d’alcool et autres produits à base d’alcool, d’armes et de munitions. En règle générale, toute marchandise même française « qui serait débarquée sans être décrite dans un passavant ou passeport par une douane française à Madagascar et de ses dépendances », doit payer le droit de 10% de sa valeur.
Concernant particulièrement l’alcool, à partir du 1er janvier 1897, les Douanes malgaches ne laissent plus débarquer les produits contenant de l’alcool qu’à une condition : un passavant ou un passeport délivré par une douane française de Madagascar doit être présenté, sur lequel ces produits sont décrits.
Dans le cas contraire, du 1er janvier au 1er février, ces produits doivent être « réexportés sur papier ». À partir du 1er février, la Douane saisira et enverra sans retard au receveur français dont elle dépend, un rapport où sera expliqué « comment tout cela s’est passé ». Rapport qui sera signé par les officiers présents à la saisie. La circulaire donne aussi la liste des produits contenant de l’alcool, tels les vins, les liqueurs, les cidres, les poirés, les bières, les absinthes, les essences d’absinthe, les alcoolats d’absinthe, les rhums, les eaux de vie, les cognacs et les alcools proprement dits.
Quant aux armes et munitions, l’importation d’armes à feu quelconques, de la poudre, des balles, des cartouches, de la dynamite et de toute autre matière assimilable est interdite dans Madagascar et ses dépendances.
« Si ces Douanes constataient qu’on en débarque, elles les saisiraient, maintiendraient en état d’arrestation les personnes qui auraient effectué le débarquement, confisqueraient le bateau et relateraient dans un rapport comment tout cela est arrivé. Elles enverront ce rapport signé par les officiers présents à la saisie, au receveur français des Douanes et une copie au résident. Mais elles laisseraient passer s’il y avait une autorisation du résident. »
Comme on le constate, cette circulaire envoyée aux Douanes malgaches fait mention des « Douanes françaises de Madagascar », ce qui prouve bien l’existence simultanée des deux services. Toutefois, aucun élément ne permet d’avancer une date qui précise quand le service malgache est entièrement absorbé par la Douane française.
Dès son arrivée, le chef du service français, l’inspecteur Huard s’installe dans la capitale. Mais les difficultés de liaison avec les bureaux installés sur les côtes, l’insécurité qui règne alors sur les Plateaux et qui interdit les déplacements, ne lui permettent pas de s’y maintenir. C’est pourquoi le 18 novembre, le général Gallieni lui adresse une lettre dans laquelle il lui fait part de « l’obligation de fixer définitivement le chef du service des Douanes à Tamatave ».
Concernant les taxes, jusqu’à la loi du 16 avril 1897, la douane applique le tarif de 10% établi avant la conquête. À partir de ce texte, la loi française du 11 février 1892 instituant le régime douanier métropolitain y est appliqué ». Quelques mois plus tard, le 19 septembre 1897, un arrêté fixe le tarif des droits de sortie. C’est également en 1897 que sont instituées les taxes à la consommation. Un arrêté du 29 mars y soumet les alcools, l’opium, les poudres, les tabacs, les tissus de toutes sortes, les huiles de pétrole propres à l’éclairage, les allumettes et les cartes à jouer.
C’est en 1901 que pour la première fois, le service des Contributions indirectes est rattaché à la Douane et, à la suite de ce rattachement, l’ensemble prend provisoirement le titre de service des Douanes et régies.
La direction des Douanes rejoint enfin Antananarivo en 1906, « les relations postales et télégraphiques, l’ouverture des routes, l’installation de lignes de navigation côtières rendant plus aisées les facilités de centralisation des services ». Et surtout, il est indispensable « d’établir une étroite cohésion entre le but économique et financier que voudrait atteindre le chef de la colonie et la responsabilité de l’exécution des voies et moyens destinés à préparer et obtenir le résultat visé ».
Moments clés
Le règne de Ranavalona I
Le règne le plus long (33 ans) a été caractérisé par 3 périodes :
- Le prolongement du système adopté sous le règne de Radama I (de 1828 à 1845)
- La fermeture des frontières (de 1845 à 1853)
- La réouverture des frontières et le rétablissement du commerce extérieur (1853)
Avec la réouverture des ports, les droits de douane furent destinés exclusivement à la cassette royale et étaient perçus à l’import et à l’export de tous les biens. Seules étaient interdites les exportations d’esclaves suivant un traité signé par Radama I. Il est très intéressant de connaître le mode de séparation des Droits de Douane au milieu du 19ème siècle, sans en connaître l’esprit :
- 10/120ème aux proches parents de la reine et à quelques favoris.
- 11/120ème allaient aux officiers supérieurs
- et 99/120ème à la cassette royale.
En bref, ayant réussi après Radama I à asseoir son autorité sur l’île toute entière, Ranavalona I a su constituer un véritable « corps des douanes » chargé de garder non seulement l’étanchéité de la frontière maritime mais aussi de réglementer les échanges commerciaux qui n’étaient possibles que dans les points de trafic continuellement gardés par les soldats douaniers.
Sous Radama II
La douane royale n’a été que le prolongement de celle du régime précédent. Toutefois, par décret du 20 août 1861; Radama II supprima les droits de douane à l’importation et à l’ exportation ; ce qui causa beaucoup d’amertume chez les bénéficiaires de la répartition et favorisait la spéculation.
La politique d’ouverture prônée par Radama II va lui coûter la vie. A la mort du roi, la douane jouait toujours son rôle budgétaire.
Sous le régime de Rasoherina
Sous le règne de Ranavalona II
Comme précédemment, la fonction de la douane royale n’a pas évolué quant au système de prélèvement. Toutefois, elle prenait une importance grandissante, du fait de l’ouverture vers l’extérieur. L’Etat monarchique entretenait des relations diplomatiques avec les principaux pays de l’occident (la France, l’Allemagne, les Etats-Unis d’Amérique).
Sous le règne de Ranavalona III, les relations franco malgaches se sont détériorées, en raison des visées françaises sur certaines parties du territoire national (côte ouest et nord-ouest). La première guerre francohova (Dans sa signification la plus courante à Madagascar même, le terme hova désigne traditionnellement la plus importante subdivision du peuple merina, correspondant aux gens du commun.) qui éclate entre 1883, prend fin décembre1885 par la signature d’un traité assujettissant Madagascar sous le régime du protectorat français.
Le traité contenait deux clauses très importantes. La monarchie cédait deux départements ministériels importants à la France conquérante :
- Les relations avec l’étranger (Ministère des Affaires Etrangères)
- Les recettes douanières
Il était aussi question de répartition des dommages de guerre. Or, les caisses de l’Etat monarchique étaient vides. Un accord de prêt est conclu
auprès du comptoir National d’Escompte de Paris (CNEP). Ce prêt a été garanti par les recettes douanières dont la perception a été confiée au CNEP.
Pour assurer ces perceptions, on faisait appel aux expatriés volontaires français (très rares) pour remplacer les douaniers malgaches ; mais, la nécessité de recruter sur place des autochtones s’imposait, pour insuffisance de volontaires expatriés. Les douaniers de cette époque étaient donc recrutés par le CNEP.
Sous le régime colonial
De 1896 à 1960, la douane de Madagascar dépendait étroitement des douanes françaises. L’essentiel des échanges s’effectuait avec la France, étant entendu que le territoire est unique. La souveraineté nationale étant perdue, la douane malgache tombait sous la coupe du régime colonial. De ce fait, la réglementation française était intégralement applicable à Madagascar jusqu’en 1939.
Malgré les difficultés de recrutement du départ, l’effectif douanier était constitué d’expatriés de la Métropole (dirigeants et agents d’exécution). En 1942, la conquête de Madagascar par les Anglais suspendait toute activité
douanière jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale (1939-1945). En 1942, la protection douanière de la France n’avait plus de sens. Les droits de douane ont été suspendus, mais les taxes locales (TI et TC), ont compensé après leur relèvement, la suppression des droits de douanes.
Ce n’est que très tard après la 2ème guerre mondiale que des malgaches ont été recrutés après la formation à l’Ecole le Myre de Villers pendant deux ans. A la sortie de cette Ecole, ils sont nantis de leur diplôme de CESD (Certificat d’Etudes de Second Degré) équivalant à la classe de 3ème des Etudes Secondaires, formation primaire axée sur le français et l’arithmétique. Le cadre de commis des douanes était créé pour assurer les tâches d’exécution.
Le service actif était assuré par le recrutement d’anciens militaires (anciens combattants de la 2ème guerre mondiale) ; il est encadré par des agents métropolitains. La fonction publique était nettement répartie entre deux cadres (métropolitain et indigène). Ce n’est qu’après la Loi Gaston Deferre (loi-cadre ) de 1955 que les malgaches ont eu accès aux cadres supérieurs.
Le territoire douanier étant confondu avec celui de la France et comme l’essentiel du commerce se faisait avec la France, les réglementations
douanières étaient calquées sur celles françaises. Les perceptions effectuées se limitaient à deux taxes : la TI et la TC ; la troisième qui est la TT (taxe sur la transaction de 2% ) était perçue pour le compte des Impôts Indirects.
Sous la Première République
La Loi de Finances pour 1961 a rétabli la perception des droits de douane. Le 23 octobre 1963, MADAGASCAR a adhéré au GATT en tant que Partie Contractante. De 1964 à 1974, MADAGASCAR figurait parmi les états associés à la CEE et appliquait les règles d’origine de Yaoundé I, Yaoundé II, pour bénéficier du traitement préférentiel dans les échanges avec la CEE
S’agissant d’un régime de libre-échange à double sens, les marchandises originaires de la CEE étaient exonérées de droits de douane mais rentrait à
MADAGASCAR dans le cadre du contingent CEE (licence CEE). Inversement, les produits malgaches bénéficiaient à l’entrée du marché communautaire, du traitement préférentiel (absence de restriction quantitative et exemption de droits de douane). Seules, les marchandises originaires des pays tiers sont frappées des droits de douane (droits protecteurs). Ces droits sont de deux sortes : le tarif général et le tarif minimum. Ce dernier est seul inscrit dans le tarif ; il est perçu sur les marchandises originaires des pays tiers, parties contractantes d GATT. Le tarif général est réservé aux pays tiers non membres du GATT et était le triple du tarif minimum.
Sous la IIème et la IIIème République
L’adhésion de MADAGASCAR à des conventions multilatérales et régionales ne fait que compliquer davantage le contrôle douanier.
a) Les diverses conventions de Lomé (I, II, II, IV) et depuis 1995, la Convention de Cotonou.
Il s’agit d’une convention de libre-échange à sens unique : seuls les produits ACP bénéficient de traitement préférentiel. Les droits de douane ont été rétablis vis-à-vis de la CEE depuis 1976.
b) Aménagements régionaux : COI, COMESA, SADC. Ce sont des arrangements régionaux qui ont un double objectif :
- constituer une zone de négociation dans les enceintes internationales
- but final : Union Douanière pour favoriser l’intégration régionale
Vers la modernisation
1998 : Partenariat public-privé pour le contrôle avant embarquement avec le Bureau Veritas
2005 : 1ère stratégie de modernisation : informatisation, refonte complète du Code des Douanes
2005 : Partenariat public-privé avec la société SGS
2007 : Lancement de Sydonia++, nouveau système de dédouanement
2008 : 2ème stratégie de modernisation, facilitation du commerce, administration phare, administration de confiance.
2015 : Mise en place du guichet unique TradeNet
2018 : Lancement Sydonia World, en remplacement à Sydonia++
2020 : 3ème stratégie de modernisation avec le plan stratégique 2020-2023, Douane, une administration innovante, redevable, partenaire pour l’émergence du pays
2021 : Mise en place de la Brigade canine à Antananarivo dans un premier temps (Coopération avec l’Ambassade du Japon et l’OIM)
2022 : Effectivité du 100% scanning des conteneurs à l’import et à l’export, Bureau des Douanes Toamasina
La Douane actuelle
La Douane Malagasy s’efforce de perfectionner les moyens matériels et de former un personnel qualifié. Elle fait face aux difficultés engendrées par la mondialisation et la globalisation des échanges en modernisant les moyens destinés à perfectionner les modalités de perception, à assurer le contrôle « a posteriori » et à mieux garder ses frontières mesurant 5 000 km. La Douane d’aujourd’hui se veut être moderne pour mieux conforter ses missions fiscale, économique et sécuritaire.
L’Administration douanière a lancé son plan stratégique pour la période 2020-2023, lequel ambitionne la modernisation de la Douane Malagasy. A cet effet, un programme de modernisation composé de trente-et-un projets est mis en œuvre pour faire de la Douane une Administration innovante, redevable, partenaire pour l’émergence du pays.